Le 24 mars 2023
A l’attention de :
Dr Anne MOULIN,Adjointe à la Sous-directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins (PP) . Direction générale de la santé

Madame,
Nous prenons connaissance de votre projet de décret avec satisfaction.
A la suite de la visioconférence du 28 juin 2022, au cours de laquelle vous nous avez annoncé votre priorité de régler les problèmes liés aux injections sauvages d’acide hyaluronique, nous ne pouvons qu’approuver ce projet de décret.
Comme vous le savez, cela faisait plusieurs années que nous alertions régulièrement les pouvoirs publics sur cette problématique.
En particulier, en date du 16 juillet 2019 via une question orale au gouvernement de la sénatrice Mme Elisabeth DOINEAU (actuellement rapporteuse de la commission des affaires sociales du Sénat) avec la réponse de Gabriel ATTAL actuellement ministre délégué chargé des comptes publics.
Signalons cependant que ce décret ne réglera que partiellement le problème puisque d’une part la vente sur internet des dispositifs médicaux contenant de l’acide hyaluronique ne pourra être contrôlée et que d’autre part des produits de comblement non visés par ce décret pourraient remplacer l’acide hyaluronique comme l’acide polylactique ou l’hydroxylapatite de calcium pour ne citer que ces deux-là.
Enfin, il faudrait aussi et surtout que les pouvoirs publics harmonisent la réglementation. S’agissant de l’épilation au laser et à la lumière pulsée, du microneedling et de la cryolipolyse, il est regrettable que le ministère de la Santé ne soit pas à l’origine des modifications apportées au régime juridique applicable, laissant ce soin aux juridictions dans le cadre de contentieux initiés par des personnes de droit privé.
Il est anormal que ces questions touchant tant à la santé publique qu’à la liberté d’exercer des médecins soient réglées au niveau de l’ordre juridictionnel, sans réflexion globale des pouvoirs publics. Cela est particulièrement évident en matière d’épilation à la lumière pulsée. Par une décision n°424954 du 8 novembre 2019, le Conseil d’Etat a enjoint les autorités compétentes d’abroger le 5° de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 en tant qu’il porte sur l’épilation au laser et à la lumière pulsée et d’encadrer ces pratiques. N’ayant pas obtempéré dans un délai raisonnable, le Ministère se voit désormais tenu de finaliser cette réforme sous la menace d’une astreinte (CE, 2 fév. 2023, n°468009).

Cela est d’autant plus problématique que la jurisprudence est elle-même incohérente. C’est ainsi que la Cour de cassation a opéré un revirement sur la licéité de l’épilation à la lumière pulsée par un non-médecin (Crim., 31 mars 2020, pourvoi n° 19-85.121, suivi par la Civ.1, 19 mai 2021, 19-25.749), alors même qu’elle a jugé par ailleurs que les actes de microneedling et cryolipolyse relevaient du monopole médical (Crim., 31 janv. 2023, n°22-83399). Compte tenu des risques inhérents à l’ensemble de ces pratiques, à défaut de supervision par un médecin, cette situation ne fait pas grand sens. Elle nuit à la clarté sur le régime juridique que peuvent légitimement revendiquer les justiciables et les professionnels de santé.
En conclusion, le Syndicat National des Médecins Esthétiques est favorable à la publication du projet de décret mais rappelle la nécessité de réglementer globalement et rapidement la pratique de l’ensemble des actes médicaux à visée esthétique.
Bien cordialement.

Docteur François TURMEL
Président du SNME

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